INIS, intérieur… extérieurs
Itinéraire attachant que celui d’Inis, de son vrai nom Francesco Gallo (INIS est en réalité l’anagramme de « Io Nato Ievoli Sono » - littéralement « Je suis né à Ievoli », en Italie), débarqué voici 40 ans en vallée de Maurienne, aux confins de la Savoie, et d’où il n’est jamais vraiment reparti, fasciné par la lumière particulière de son ciel et l’altière beauté de sa capitale, Saint-Jean-de-Maurienne. Une « porte du sud », selon l’expression du peintre, où il va puiser son inspiration, ouvrir sa première galerie et se réaliser comme d’autres créateurs de génie avant lui – Pierre Balmain, mais aussi Joseph Opinel, l’inventeur du célèbre couteau - au cœur de cette « vallée bleue » déjà chère, en son temps, au peintre Nicolas de Staël. « Bleu jazz » : l’expression est d’Inis, et caractérise bien la profondeur des premières œuvres réalisées ici. La splendeur des monuments alliant baroque et pureté du style roman au charme des maisons aux tons chauds, est pour beaucoup dans le magnétisme qu’exerce Saint-Jean-de-Maurienne sur lui. Et puis, il y a un peu de l’Italie dans cette ville dont l’âme se découvre à l’ombre des porches intimistes, où il n’est pas rare de croiser l’artiste.
A moins qu’Inis n’ait déjà migré pour Le Châtelard-en-Bauges. Le lieu de ses retraites estivales autant qu’une campagne inspirante. Un « sanctuaire », comme il dit, prisé des seuls contemplatifs – les bienheureux - en quête de beauté simple. Les Bauges comme une terre originelle et nourricière, où Inis confie avoir redécouvert l’homme dans la nature autant que dans sa nature. Une montagne dont la beauté, en somme, n’a d’égale que sa rudesse et où les gens font corps avec leur terre. En témoignent ses tableaux parmi les plus célèbres : vaches rouges et paysans laborieux saisis dans un environnement empreint de noblesse, infiniment respectable. Et touchant au mystique quand, les soirs d’été, l’orage gronde et sublime la palette…
Et puis il y a Saint-Rémy-de-Provence. Saint-Rémy comme une ouverture au monde. Inis voit dans l’installation d’une troisième galerie sur ces terres provençales non pas un aboutissement, mais la possibilité de sentir battre le cœur de l’Europe, dans une de ces cités dont la Provence a le secret. Pleine du monde entier, mais sereine aussi, comme alanguie au pied des blanches Alpilles. Etalant ses discrètes beautés au coin des rues bercées par le murmure des fontaines. Saint-Rémy-de-Provence est de ces villes de rencontres. Entre passé et présent – autre correspondance chère à Inis – mais aussi, et peut-être avant tout, entre les gens. Le contact y est facile, le mouvement permanent. Un peu comme dans ses tableaux les plus récents : foules bigarrées, processions vibrantes, marchés dont on se surprend à entendre les clameurs…
Trouvant ses racines dans ce triangle géographique où Inis vagabonde au gré des saisons comme de ses aspirations, son œuvre touche aujourd’hui à l’écriture universelle. Exubérance baroque d’une haute vallée savoyarde, âpreté de la vie pastorale en Bauges et beauté solaire de l’arrière-pays provençal… ses tableaux ravissent les sens en une débauche de couleurs chaudes, à l’image d’un artiste humain, sincère et passionné. Ses « expériences » - d’aucuns parleraient de performances, le terme est à la mode : travail de la poterie et sur verre de Murano, collages et installations monumentales – sont aussi le reflet de temps intérieurs, de moments de vie autant que d’étapes sur la route d’Inis entre Alpes et Méditerranée, qui entrent en résonnance avec le monde en marche…
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